(...)Lhebdomadaire Marianne figure ordinairement au nombre de ces médias « cathophobes ». Pourtant, au lendemain de lattentat sanglant dAl Qaida contre une église de Bagdad, il a consacré un dossier au « martyre des chrétiens dOrient ».
« Depuis plusieurs décennies, les discriminations constantes et les massacres répétitifs, principalement sur les terres dIslam, narrachent pas une larme aux compassions bien-pensantes », écrit Martine Gozlan. « Le drame chrétien sest évaporé. Ces persécutions-là ne figurent plus dans la grille des douleurs modernes. Comment se prendre de pitié pour des victimes qui appartiennent – toutes Eglises confondues – à une chrétienté encore majoritaire dans le monde avec 2 milliards de croyants ? Certes, les blessés, les tués, les proscrits sont minoritaires dans leurs pays : mais les réflexes dempathie restent paralysés, sauf dans les associations confessionnelles et la droite réactionnaire. »
Il faut appartenir à une minorité pour susciter lintérêtLanalyse est intéressante à plus dun titre : sous nos climats démocratique, il faut désormais appartenir à une minorité, forcément opprimée, pour susciter la compassion, ou même lintérêt. Sans doute est-ce aussi ce qui explique que lon ne parle jamais des cimetières chrétiens vandalisés, ni des actes de racisme commis dans les établissements scolaires ou dans les cités à lencontre des Français de souche, pourtant souvent les plus pauvres : comment plaindre la vieille dame assassinée pour lui faucher son sac, la gamine violée dans une cave, le jeune garçon tabassé par une bande pour lui voler son téléphone portable, puisquils appartiennent à lethnie majoritaire ?
Les chrétiens dOrient souffrent de la même forme domerta : « La tuerie de Bagdad va-t-elle tirer lopinion de sa léthargie ? », demande Martine Gozlan. « On na pas bronché pour les centaines de morts chrétiens des émeutes au Nigéria en janvier 2010. Ni pour le meurtre, en juin 2010, du chef de la conférence épiscopale de Turquie, pays laïc. Assassinat précédé, depuis 2006, de celui de plusieurs religieuses dans une imprimerie qui éditait des bibles. Sans parler de la lourde mémoire du génocide arménien – des chrétiens –, avec le crime contre Hrant Dink, haute et juste figure de cette communauté, abattu à Istanbul le 19 janvier 2007. »
En Egypte aussi, les chrétiens coptes « sont victimes de pogroms récurrents depuis trente ans », souligne la journaliste de Marianne. « La haine des fanatiques se déchaîne et la charia, la loi islamique, est devenue la source officielle de la Constitution égyptienne. Un alibi à tous les marquages, tous les lynchages de ces coptes dont la foi obstinée inflige à lislam le camouflet cuisant des sagas antérieures. Nous voilà au cœur du drame : la volonté déradiquer et dexterminer les chrétiens en Orient, berceau historique de leur foi, symbolise lobsession majeure de la guerre de religion contemporaine. »