Ce mercredi 22 juillet 1998, vers 8 heures, M l'abbé Jean-Yves Cottard prend la météo qui donne le même message que la veille au soir : « Mer peu agitée, vent de force 3 à 4 Beaufort ». L'avis de coup de vent n'est toujours pas annoncé (il ne le sera que très tard, en fin de matinée)... L'abbé Cottard décide de continuer le raid. Il va voir les équipages du « Charette » et du « Forbin ».
Le Loup de mer de la maîtrise repart en fin de matinée accompagnant les Caravelles du « Duquesne » et du « Surcouf » qui restent à vue. Vers 12h.30, la mer se forme et un fort coup de vent (force 6 à 7), mais court (environ 1 heure) arrive.
La Caravelle du « Charette» est arrivée sans problème à Landrellec, ce qui était l'objectif prévu, vers 12h., c'est à dire avant le coup de vent. Le Loup de mer finira par rentrer sur Ploumanach, port le plus près. Les 2 autres Caravelles rentreront aussi de suite.
Pour l'équipage des « Forbin », ils étaient partis assez tôt vers 8 heures, naviguant normalement la matinée, et ils ont déjeuné à bord. La veille, le chef de bord avait déjà fait prendre pris un ris (pour réduire la surface de la voilure). Le vent forcissant en début d'après midi, il fait affaler le foc pour réduire encore la toile.
C'est un vent de force 6 avec des claques à 7, la mer à des creux de 3 mètres avec des déferlantes. Alors qu'ils commençaient à redescendre vers le sud-est, ayant le feu de l'Ile-Grande à tribord, une de ces déferlantes mal prise les fait chavirer le dériveur vers 12h 30 au large de Trégastel à environ 1 mile des côtes.
Le chef de bord est le second d’Équipage Grégoire A. (16 ans et demi) et non pas le CE (Jean-Baptiste PRUVOST, 17 ans) car c'est lui qui est le mieux amariné. Grégoire a effectué plusieurs stages en école de voile, et travaille en alternance sur le chantier naval de la société Boatic. Il venait d'ailleurs de réaliser avec son patron en juin 1998 des test de flottabilité et d'homologation en navigation sur la Seine. Il a déjà effectué notamment des essais de dessalage et de remise à l'endroit d'une Caravelle. C'est donc lui qui dirigera la manœuvre jusqu'à la fin avec compétence, autorité, et un grand sang-froid.
Deux redressements successifs de la Caravelle seront d'abord réalisés. Mais, la coque redressée restant pleine d'eau n'a aucune stabilité, elle se retournera à chaque fois. Jugeant ses basculements trop dangereux pour tous, Grégoire décide de laisser le bateau à l'envers et de s'organiser pour attendre les secours. 2 ou 3 restent dessus en se déplaçant suivant les vagues pour empêcher un retournement brutal, les autres s'accrochent à des bouts pour ne pas risquer de partir à la dérive.
Chaque grand est responsable d'un petit pour assurer sa sécurité. Ils vont aussi allumer successivement deux feux à mains pour alerter des secours, malheureusement sans résultats. Le Chef d'équipage Jean-Baptiste et Grégoire font tout pour maintenir le moral en chantant et en priant.
Jean-Baptiste Pruvost partira le premier, suite à un œdème pulmonaire semble-t-il, ayant sans doute absorbé trop d'eau. Puis ce seront, environ 2 heures après le dessalage, Antoine Buchet puis Damien Lasnet de Lanty, qui épuisés et sans doute en hypothermie, perdent connaissance, lâchent prise et partent à la dérive.
Peu après, le mât casse et remonte à la surface. Grégoire décide de le détacher complètement pour larguer le gréement, pour remettre la coque à l'endroit et s'installer dedans avec plus de sécurité. Ils peuvent réaliser cette manœuvre désormais possible, car, une fois le mât cassé, les haubans ne sont plus sous tension ce qui permet de décrocher les axes des ridoirs. Ce gréement représentait un réel danger car il offrait une prise au vent et aux paquets de mer s'abattant sur le bateau, risquant de le faire chavirer à nouveau à tout instant.
Ils s'installent, Grégoire à l'avant, Benoît à l'arrière pour, en se déplaçant surveiller l'équilibre du bateau, les deux autres restant au milieu. Le Forbin dérive maintenant avec les courants et le vent vers le Nord.
Vers 23h 30, voyant passer un navire au loin avec une lampe qui balaye la mer, ils amorcent le dernier de leur trois feu à main, dont chaque caravelle était bien équipée. Ce bateau semble-t-il ne les voit pas et s'éloigne, mais par contre ils voient un feu vert placé en hauteur qui se rapproche d'eux. Au début ils pensent que c'est une balise fixe vers laquelle le courant les porte, c'est en fait un bateau de plaisance qui s'approche, ayant vu le feu rouge de détresse.
Deux plaisanciers sont sur le pont, ils lancent par radio un appel au secours, donnant leur position précise. Lors d'un premier passage, Grégoire fait un bref rapport circonstancié, il sera ensuite hissé à bord après une tentative de remorquage qui échoue, la coque pleine d'eau étant trop lourde à tirer. Les plaisanciers naviguent toujours à la voile.
Ils feront ensuite une boucle pour revenir sur la Caravelle. C'est lors de cette manœuvre que la grande voile va empanner, la bôme heurtant violemment la tête d'un troisième équipier qui se tenait debout dans le cockpit. Guillaume Castanet basculera par dessus bord, sans connaissance semble-t-il. Une bouée avec un fanal est aussitôt lancée.
Puis le barreur après avoir enroulé le foc et bordé la grand voile, met le moteur en route et tourne pendant environ 20 minutes autour de la bouée sans retrouver le corps. Le deuxième plaisancier et Grégoire aident aux manœuvres, et surveillent la mer avec leur lampe.
A la fin, ils arrêtent cette recherche pour revenir vers la Caravelle qui restait toujours à vue. Ils feront monter à bord Jean J. et Benoît d'A., puis Antoine GERARD inanimé ayant déjà succombé. Environ une demi-heure plus tard, tous seront transbordés sur la vedette du secours en mer.