Zebre
Zebra One
Nous a rejoints le : 19 Oct 2001 Messages : 13 984 Réside à : Lyon
|
Patientez... |
Texte: ROME, Mardi 25 janvier 2010 (ZENIT.org) - Depuis 40 ans, la contraception chimique est présentée comme « facile » et « libératrice », mais aujourd'hui, de plus en plus de femmes souhaitent se libérer de la pilule et cherchent à vivre « leur féminité de façon naturelle ».
C'est en partant de ce constat que Bénédicte Lucereau, conseillère conjugale et familiale, thérapeute de couples et de familles au Cabinet Mots Croisés, à Paris, a publié Se passer de la pilule, c'est possible ! - Les secrets d'une sexualité épanouie (Editions de l'Emmanuel, 2010).
ZENIT : Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Bénédicte Lucereau : Depuis de nombreuses années, mon mari et moi-même donnons des conférences sur l'Amour, le mariage, la différence Homme-Femme, la sexualité, la fécondité etc. Devant l'attente d'un public toujours plus demandeur d'entendre parler d'une « autre façon » de vivre sa sexualité et d'espacer les naissances, nous avons beaucoup travaillé cette question, notamment les textes de Jean Paul II, si mal connus, et surtout si mal répercutés dans le grand public. La vision de l'enseignement de l'Eglise sur ces sujets est perçue comme une somme d'interdits, une morale vieillotte et périmée, une intrusion déplacée dans l'intime de la vie conjugale.
(...)
Il m'a paru intéressant de profiter du courant médiatique actuel, qui se fait l'écho des femmes qui recherchent aujourd'hui à « se libérer de leurs comprimés », à vivre leur féminité de façon naturelle, libérée des hormones, et à repenser leur sexualité conjugale selon la nature et l'appel à la communion des personnes.
ZENIT : Dans son dernier livre d'entretien, Lumière du Monde, Benoît XVI évoque la pilule contraceptive. Il affirme notamment : « Les perspectives dessinées dans Humanae vitae demeurent justes. Mais trouver des chemins permettant de les vivre aujourd'hui est une autre affaire ». Pourquoi est-ce un chemin si difficile à prendre aujourd'hui ?
Bénédicte Lucereau : Vous parlez ici de ce que propose aussi l'Eglise, pour que les couples exercent une paternité et une maternité « responsable » : c'est-à-dire, que bien évidemment, un couple ne va pas accueillir tous les enfants que « la nature » permettrait, sans réfléchir de façon intelligente à un projet personnel, en fonction de ce qu'il souhaite et décide. C'est ce que permet la régulation naturelle, c'est-à-dire une sexualité réglée par l'alternance des périodes de fertilité et d'infertilité du cycle féminin. Le couple, pour vivre cela, doit apprendre à connaître le cycle féminin, à le respecter, et à maîtriser son désir sexuel en fonction de son projet. Il y a une responsabilité à vivre à deux, qui est intéressante, car elle permet beaucoup d'échanges, de partages, et surtout, donne la possibilité d'inventer une sexualité moins centrée sur l'orgasme et plus sur la tendresse et la relation.
Ce qui rend ce chemin difficile aujourd'hui, dans nos sociétés occidentales, c'est que nous vivons, dans un monde hyper-érotisé, qui sollicite nos sens et les excite en permanence, affaiblissant ainsi la volonté des plus « faibles ». Le sexe est partout, le plaisir est présenté comme LA façon de se libérer de ses pulsions. La sexualité est déconnectée de la relation à l'autre, d'un cadre stable où la fidélité et l'engagement permettent la confiance nécessaire « au lâcher prise ». Elle est déconnectée de la possibilité de transmettre la vie.
(...)
ZENIT : Alors, comment promouvoir les « perspectives dessinées par Humanae Vitae » ?
(...) Il faut parler avec un langage conjugal, que des couples mariés s'adressent à des couples mariés. Pourquoi cette question est-elle si souvent traitée dans l'Eglise par des célibataires consacrés, des prêtres... qui donnent surtout l'aspect théologique et spirituel d'une telle aventure ? Mais concrètement ? J'ai voulu donner la parole aux couples, car c'est d'eux dont il s'agit, et c'est eux qui peuvent, dans le langage le plus approprié, s'adresser aux couples.
Par exemple, de nombreux couples catholiques, veulent « pour bien faire » et par obéissance, suivre ce qu'enseigne Humanae Vitae. Mais je constate que beaucoup sont dans le légalisme, la souffrance d'un vécu insatisfaisant, car ils ne sont pas rentrés dans la compréhension profonde du sens de la régulation naturelle des naissances. Ils connaissent « la méthode », les règles « techniques » à suivre, mais personne ne leur dit « comment le vivre au quotidien », comment s'aimer d'un amour charnel lorsqu'on ne peut pas s'unir pour différer une naissance. J'ai beaucoup insisté dans mon livre sur cet aspect de la « continence périodique ». Tout le monde parle d'abstinence. En fait, il ne s'agit pas de cela, car l'amour conjugal ne prend jamais de vacances. Comment aider les couples à grandir dans la maîtrise de soi (qui n'est pas se tourner le dos « quand on ne peut pas »), à développer une tendresse qui respecte le corps de l'autre et ses limites, tout en restant dans la vérité de l'amour. Ne pas séparer « union et procréation » ne veut pas dire ne plus s'aimer, ne pas se toucher, ne plus s'exprimer conjugalement son amour Sinon, l'Eglise serait contre le plaisir, ce qui est faux.
Voilà pourquoi c'est un chemin, et c'est un chemin peut-être difficile aujourd'hui, où l'on veut « tout tout de suite », où l'on n'accepte pas la frustration, où le plaisir se résume à l'orgasme, où son propre plaisir et son épanouissement personnel est premier sur celui de l'autre.
ZENIT : Près de 60 % des femmes utilise la pilule en France. Mais vous affirmez que nombreuses sont celles qui sont lasses de cette méthode de contraception. Pourquoi ?
J'ai évoqué cette nouvelle dépendance aux hormones dont souffrent les femmes, avec les conséquences sur leur santé et sur leur libido. Elles souffrent aussi d'être moins prises en compte dans leur spécificité féminine par leur époux, du fait même de devenir « disponibles » à tout instant pour le satisfaire : sont-elles aimées pour elles-mêmes, ou pour ce qu'elles apportent à leur mari ?
Mais plus profondément, je crois que la femme a naturellement l'intuition de ce qu'est véritablement l'amour. Elle « sait » que le vrai bonheur est dans le don de soi, et que ce don ne peut être que total, unique et définitif(...)
La femme sait que son corps n'est pas qu'un simple matériau, qu'il est traversé d'intentionnalité. Tel geste engendre telle conséquence. Le lien entre l'amour, la sexualité et la fécondité est très profondément inscrit en elle. Elle se sent amputée s'il manque une dimension, ou si ces dimensions sont volontairement déconnectées. Elle sait que si elle touche à sa fertilité, ou empêche l'acte sexuel d'aboutir à une fécondité naturelle, elle ne donne réellement à son époux qu'une part d'elle-même, et un fond de tristesse habite son cœur. Source
Texte: ZENIT : Qu'apporte cette méthode de régulation naturelle des naissances ?
Bénédicte Lucereau : Cette méthode est basée sur le respect du rythme féminin, et sur l'alternance des périodes fertiles et infertiles du cycle. Cette possibilité, offerte par la nature, de réguler sa sexualité pour espacer les naissances, permet aux couples d'inventer « un nouvel art de vivre en couple » : la sexualité ne se réduit pas à l'orgasme à tout prix, elle est beaucoup plus riche et attentive à l'autre. Le désir est stimulé, le plaisir plus satisfaisant.
(...)
En maîtrisant ses pulsions, et en mettant son désir à l'unisson du rythme de sa femme, l'homme évite les pannes de désir dues à une sexualité déréglée. La femme admire et fait confiance à un homme qui se maîtrise : elle peut ainsi mieux s'abandonner au plaisir dans ses bras. Les couples qui utilisent cette méthode ont en général plus de relations sexuelles par mois que les autres, et leurs relations sont plus épanouissantes. Ils ont une vie sexuelle plus longue et plus harmonieuse.
ZENIT : Tous les couples sont-ils à même de vivre cette méthode ? N'est-elle destinée qu'aux chrétiens ?
(...) Cela dit, il existe des inégalités, comme dans les autres domaines de la vie : pourquoi y a-t-il des gourmands, des avares, des colériques etc... ? De même, pour certains, l'application de la régulation naturelle sera plus difficile. Certaines femmes ont des cycles très irréguliers, d'autres ont de la difficulté à s'auto-observer. Cela ne veut pas dire impossible. Juste plus difficile, ce qui voudra dire plus d'efforts et de détermination. C'est ce que l'Eglise dit lorsqu'elle parle de loi de gradualité : non pas qu'il faille adapter « la loi » pour certains, elle reste la meilleure proposition pour le couple. Mais dans sa sagesse, elle reconnaît que certains mettront plus de temps que d'autres à se connaître, à se maîtriser, à vivre la continence périodique dans l'amour (et non dans l'agressivité ou dans le mensonge).
(...)
Les chrétiens n'ont pas « le privilège » de l'utilisation de la régulation naturelle, loin de là, et ils ne sont aucunement humainement plus « à même » de vivre ce choix de vie. Mais ils sont peut-être (on le souhaite) plus motivés, car, dans le fond, beaucoup font confiance à l'Eglise. Par contre, s'ils l'utilisent uniquement par légalisme ( « pour être en règle »), à contre cœur, ou sans cette intelligence du cœur qui fait entrer dans la compréhension du « pour quoi », alors ils font fausse route, sont déçus. Pire, ils détournent le sens profond de cet « art de vivre » en couple, et font planer un doute sur cette façon de vivre sa sexualité. On peut presque dire qu'ils l'utilisent avec le même esprit qu'une contraception. Le but n'est pas d'empêcher l'enfant de venir, le but est de grandir dans l'amour, en utilisant intelligemment les gestes de nos corps, tels qu'ils ont été créés, pour exprimer cet amour dans la vérité de notre vocation à nous aimer. L'amour est toujours fécond, même s'il ne donne pas naissance à une nouvelle vie. La régulation naturelle de la sexualité est toujours ordonnée à un plus grand amour : de soi, de l'autre, de Dieu.
ZENIT : Pourquoi n'en entend-t-on pas parler aujourd'hui ? Est-ce un problème de fiabilité ? Ou un message difficile à faire entendre, notamment en raison de la continence périodique ?
Ce n'est pas un problème de fiabilité : il y a des grossesses sous pilule, sous stérilet, même parfois, avec ligature de trompes... La fiabilité (dans une certaine mesure, comme pour la prise des comprimés pour la pilule) est liée à la motivation des deux membres du couple, à la connaissance des signes de fertilité chez la femme, et à la capacité des deux époux de maîtriser leur désir. La continence périodique, pour être amoureuse, est une construction, tout comme l'amour est une construction. On voudrait aujourd'hui que tout aille de soi, que l'amour ne nécessite aucun effort, aucun renoncement...
(...)
Un autre obstacle est sûrement la pression des médias et des modes : l'épanouissement professionnel de la femme vient souvent en première place, avant son désir d'être mère, en tout cas en concurrence. L'enfant, qui est présenté paradoxalement comme un dû, est aussi présenté comme un gêneur : il doit être parfait, arriver au bon moment, être programmé, attendu, désiré. Le monde manque de confiance : la désespérance, le désir de tout contrôler, la toute puissance...
254 |