Informations
retrouvées dans les archives de la Bibliothèque municipale
de Moulin en mai 1996.
Le Père Geoffroy note dans sa brève histoire de Rimont le Chanoine Cornette comme fondateur des Scouts de France. Nous savons aujourd'hui que c'est le Père Sevin qui a fondé les Scouts de France, mais la confusion est née de la volonté même des supérieurs du Père Sevin (Jésuite): "on ne doit pas pouvoir dire qu'un jésuite a installé le scoutisme en France".
Le Père Sevin s'est vu énormément soutenu par le chanoine Cornette, qui a pris les risques diplomatiques du lancement du scoutisme. La confusion entre les fondateur est née de ce trouble. C'est un peu comme si celui qui signait un
livre n'en était pas l'auteur, pour protéger le véritable auteur par la renommée de son nom. Ainsi y a-t-il le fondateur diplomatique des Scouts de France, et son vrai créateur, qui est le Père Sevin.
Mais sans le Chanoine Cornette, le scoutisme ne serait peut-être que resté dans les fougueuses idées combatues du Père Sevin. Le Père Cornette est cet ardent apôtre qui acclimata le scoutisme de Baden Powell en France avec le Père Sevin et en fit un puissant mouvement d'éducation chrétienne.
ENFANCE ET ÉTUDES
Antoine-Louis CORNETTE est né le 8 Novembre 1860 à Pierrefitte sur Loire. Ses biographes disent qu'il passait ses vacances à Bourbon-Lancy: c'est là que résidaient ses grands parents paternels, alors que sa mère était originaire de Pierrefitte. Il entra chez les Frères de Écoles Chrétiennes à Bourbon en 1866, puis continue ses études au petit séminaire de Rimont en 1874. Antoine CORNETTE sort de Rimont après sa rhétorique en 1880.
Pourquoi est-il venu poursuivre ses études à Rimont dans le Diocèse d'Autun, étant originaire de Pierrefitte et donc du Diocèse de Moulins ? On sait que le fondateur de Rimont, le Père Rigaud, était originaire de St Agnan, situé à quelques kilomètres à vol d'oiseau de Pierrefitte. Et d'autre part il semble bien que le Père Rigaud eut le souci de recruter comme éducateurs des gens qu'il connaissait par relations dans son pays d'origine.
Rimont ouvrait en 1879 la classe de Rhétorique, complétant ainsi peu à peu le cycle complet des études: il y avait déjà plus d'une centaine d'élèves. Comme la classe de Philo n'était pas encore ouverte en 1880, le jeune Antoine Cornette entra au grand Séminaire d'Autun. Le climat du Morvan ne lui convint pas: il se soigna un an à Pierrefitte avant que le cardinal Perraud ne l'autorise à poursuivre ses études à Paris, à Issy les Moulineaux où il poursuit ses études cléricales. Il est ordonné prêtre le 17 Décembre 1887.
APPROCHE DU SCOUTISME
Ses supérieurs le nomment censeur au collège Juvilly. Victime d'un empoisonnement au blanc de céruse (contenu dans la peinture de sa chambre) il est paralysé des deux bras. On l'envoie à Saint Moritz, la station la plus "chic" de l'époque ou il avait emmené des élèves de Juvilly en vacances. Il y noue de puissantes relations (la princesse Charlotte de Monaco lui aurait même offert l'Évêché de la principauté ... Mais il refuse et rentre à Paris). Vicaire a St Honoré d'Eylau, il fonde la "Mission Catholique" en Haute Engadine en 1895, où il conservera de nombreuses amitiés et des bienfaiteurs qui le soutiendront dans ses projets futurs.
En 1902 il fonde la réunion d'Eylau pour la formation religieuse des Lycéens: il s'agit des grands élèves du Lycée Janson de Sailly. Dans le comité de patronage, on trouve l'écrivain Georges Goyau, le géographe Jean Brunhes, le doyen de la Faculté de Sciences de Fribourg. Pendant la guerre de 14-18, il est aumônier des hôpitaux. En 1915 il est directeur de "l'œuvre de midi" à St Honoré d'Eylau et la même année, il fonde et dirige le cercle religieux et intellectuel pour les jeunes filles.
En 1916, il reçoit la visite d'un jeune de 15 ans, Paul Coze, de retour d'Égypte où il avait découvert et pratiqué le scoutisme de Baden-Powell. Il parvient à intéressé le père, et c'est avec ce jeune garçon et son frère que le Père Cornette fonde les "Entraîneurs". On comprend mieux que cet apôtre s'intéresse au début du scoutisme et voit dans les projets et réalisations de Baden-Powell en Angleterre un instrument merveilleux d'éducation s'il est adapté aux formes qui conviennent à la jeunesse française. Dans les patronages et cercles d'études de l'ACJF, les activités gymniques, les fanfares apportent un dérivatif, un complément au travail de réflexion, indispensable aux adolescents et aux jeunes. Mais ce type d'activités n'est guère prisé dans le monde scolaire et bourgeois qui fut la clientèle d'origine du Chanoine Cornette.
Le Scoutisme présente donc une alternative: l'aventure, le contact avec la nature, le rêve (le "peaurougisme"), la formation du caractère (prendre en charge sa vie, intégration à une petite communauté (la patrouille), interéducation entre les différents âge, engagements par la promesse, les badges etc...
LA FORMATION DU SCOUTISME
Le premier groupe, issu de la Réunion d'Eylau, est donc recruté dans le milieu lycéen et s'appelle "les Entraîneurs d'Honoré d'Eylau". En 1918, les Entraîneurs comptent 8 patrouilles. C'est à la même époque que d'autres initiateurs du scoutisme parisiens se rencontrent et coordonnent leurs efforts: les Abbés Ciallet et de Grangeneuve, tous deux anciens du Sillon et soucieux de fonder le scoutisme en milieu populaire.
Dans le même temps un Père Jésuite, le Père Sevin, né à Lille en 1882, prêtre en 1914, a suivi aussi la naissance du scoutisme en Angleterre. Préparant sa licence d'anglais, il prit contact avec le scoutisme britannique et rencontra Baden-Powell en 1913. Pendant la guerre le Père Sevin est bloqué en Belgique où il met au point la technique du scoutisme. Après les hostilités il revient à Lille, fonde une troupe et crée l'Association des Scouts de France. Il rencontre le scoutisme parisien et l'Abbé Cornette en 1919. En 1920, le 25 Juillet, naît officiellement la Fédération des Scouts de France, avec comme président le Général Maud'huy. En 1921, le 17 Janvier, le comité des Scouts de France est appelé à l'Archevêché de Paris, où Mgr Dubois vient de succéder au Cardinal Amette, décédé en 1920, et qui avait condamné le scoutisme. Mgr Dubois lit lentement un document-réquisitoire où le scoutisme est chargé de tous les crimes et contre qui on requérait les censures et les foudres de l'Église.
« – C'est anonyme, dit l'archevêque! Que dois-je faire?
– Ce que l'Esprit-Saint vous dictera, répond le Chanoine Cornette.
– Eh bien voici ce qu'il me dicte. »
Et le Cardinal tire un second document:
– « Ce m'est une joie et une espérance (...) Le but des Scouts de France est de faire revire l'idéal si chrétien et si français de la chevalerie. J'applaudis d'avance et je bénis ».
(cf. Paul Doncoeur : la Reconstruction spirituelle du pays : les Scouts de France"). La Consécration définitive viendra du Pape Pie XI en Janvier 1925.
A la suite de l'approbation du Cardinal Dubois, Archevêque de Paris, plusieurs évêques suivent malgré les hésitations, les critiques, et parfois les barrages systématiques de certains autres. En grand voyageur, le Chanoine Cornette visitera les uns et les autres et tentera de les convaincre par son talent diplomatique. De plus, il utilisera ses nombreuses relations pour soutenir financièrement le scoutisme. c'est ainsi qu'il obtient que le domaine de Chamarande soit prêté aux Scouts de France dès 1922.
Chamarande deviendra le lieu privilégié des camps-écoles de la formation des chefs, et des grandes rencontres du mouvement. Le premier camp national y a lieu en 1922. En 1932, les Schneider mettent également à la disposition du scoutisme leur propriété du Breuil: désormais ce lieu devient synonyme de camp de formation: "nous avons fait un Breuil en telle année". Le Chanoine Cornette y vint souvent.
En 1927, le gouvernement Français reconnaît les Scouts de France "d'utilité publique" et décerne à son fondateur officiel la Croix de la Légion d'Honneur, en 1930. Il parcourut l'Europe pour faire connaître le vrai visage de la France et répandre partout l'idéal et les méthodes scoutes. Il a publié l'éducation morale par le scoutisme catholique en 1921, Scoutisme et recrutement sacerdotal en 1932, et de nombreux articles dans la revue Le Chef et dans le bulletin des aumôniers de la Fédération.
LA FIN DE SA VIE
En 1932 se tient le premier Congrès de la Route, considérée par le Chanoine Cornette comme "la Jeunesse de l'Église".
Il est mort le 19 Septembre 1936, et c'est le Père Forestier qui lui succède jusqu'en 1951 comme aumônier National. Le Père Doncoeur - de grande renommée - est d'abord aumônier de la branche aînée - qui deviendra la Route en 1926. (NdA: cette date me paraît douteuse).
A sa mort, le Chanoine Cornette laisse le scoutisme catholique sur une courbe en forte progression: 24 000 en 1930, 30 000 en 1933, 55 500 en 1937, 64 000 en 1939 ...